centre de psychiatrie integrée RFSM

Un centre de psychiatrie intégré

Installé non loin de l’HFR, le centre de psychiatrie intégré offre une gamme de prestations qui sont activées en fonction des besoins du patient en difficulté.

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Directrice du secteur de psychiatrie adulte du Réseau fribourgeois de santé mentale, également professeure titulaire à l’Université de Fribourg en Santé mentale, Isabelle Gothuey nous dresse les contours et les avantages du centre installé sur les hauts du Guintzet.

Tilt!: Qu’est-ce qui a conduit à ce projet de centre intégré à Fribourg?

Isabelle Gothuey: Premièrement, il y a une forte stigmatisation des lieux asilaires en général. A Marsens, il y avait 500 lits psychiatriques dans les années 1950. Et encore aujourd’hui, dans l’imaginaire populaire, aller à Marsens, c’est aller à l’asile. Lieu d’où on se sent très vite exclu de la vie en société. Donc il apparaissait très important de sortir de la représentation d’un lieu si stigmatisé. La deuxième question est celle de l’accessibilité des services de soins. Il faut que la demande de soins soit prise en charge rapidement, efficacement, qu’on ne vous balade pas de services en services, de numéros en numéros. Troisièmement c’est la proximité de la réponse en soins psychiatriques: il faut que ces dispositifs de soins soient proches de chez vous, que vous puissiez rentrer le soir dans votre famille, que votre vie ne s’arrête pas parce que vous bénéficiez de soins psychiatriques. Enfin, il était nécessaire d’améliorer nos prestations de soins pour les patients germanophones. Ils disposaient d’une unité hospitalière de soins psychiatriques à Marsens, mais elle était peu visible et les patients ne voyaient pas le sens de se rendre dans un lieu aussi éloigné, majoritairement francophone de surcroit. Progressivement sur cette chaine de soins germanophone complète (avec des services hospitaliers, une clinique de jour et un service ambulatoire) est venu se greffer le nouveau service des urgences psychiatriques cantonales, auparavant compliquées, avec une multiplicité des portes d’entrées. Désormais on a un modèle très performant de consultations d’urgence couplées avec une prise en charge ambulatoire de crise, qui permet d’éviter les hospitalisations.

Enfin, nous avons rapatrié à Fribourg, un certain nombre de services qui étaient éparpillés sur la couronne fribourgeoise. Comme le centre de psychiatrie forensique, la clinique ambulatoire francophone, la consultation ambulatoire francophone. Voilà comment on a, petit à petit, construit ce centre intégré. Avec l’idée de sortir rapidement de l’hôpital psychiatrique, et/ou de proposer aux patients une gamme de prestations qui leur évite l’hospitalisation.

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Le centre de psychiatrie intégré – RFSM Fribourg – est inauguré en septembre 2022.

Est-ce quelque chose d’unique en Suisse?

Non, il y a d’autres modèles de ce genre. Comme le Centre de psychiatrie du Nord Vaudois, à Yverdon, qui est aussi un centre de psychiatrie intégré.

Pourrait-on appliquer ce modèle à Marsens?

Oui bien sûr. C’est la stratégie du RFSM dans les dix ans à venir: se rapprocher de la cité, placer la psychiatrie en ville avec un gamme de prestations diversifiées hospitalières, hôpital de jour et ambulatoire. Marsens n’est pas tout à fait en ville certes, mais il n’y a plus qu’un champ qui nous sépare du Cycle d’orientation de la Gruyère, à Riaz. Je me dis souvent qu’on arrivera un jour à ce qu’a connu l’Hôpital de Psychiatrie de Belle-Idée à Genève: la psychiatrie dans ses début était à l’extérieur de la ville, puis la ville grandissant, elle a été intégrée dans la citée.

Quels sont les avantages d’un tel centre?

En terme de trajectoire de soins, c’est plus facile. Il y a une plus grande fluidité du processus. On n’a pas besoin de faire un entretien d’admission à la clinique de jour et attendre trois semaines… Même chose pour l’ambulatoire: vous obtiendrez votre rendez-vous de manière facilitée. Et surtout, en terme de déstigmatisation, c’est très important. On va au RFSM Fribourg et personne ne s’occupe de savoir si vous allez à la clinique de jour ou si vous allez à la cafétéria. C’est un avantage pour les proches des patients aussi. Nous avons voulu ce centre ainsi, dans une perspective communautaire, pour rendre la psychiatrie accessible, qu’elle fasse moins peur.

Les patients germanophones répondent-ils à l’offre?

Oui. Nous avons ouvert 20 lits supplémentaires début 2021. Ce qui porte à 40 le total de lit pour la population germanophone. En ce qui concerne la clinique de jour, elle était liée au départ à la clinique de jour francophone au Botzet, mais elles se sont séparées. La clinique de jour germanophone est ainsi devenue une entité à part entière avec son staff. Nous avons construit tout ça sur les sept dernières années, petit à petit.

Qu’en est-il au niveau du recrutement du personnel?

C’est un véritable défi! Il faut beaucoup travailler pour recruter les bonnes personnes. Il y a la question du bilinguisme: nous cherchons des gens qui sachent plus que se débrouiller dans l’autre langue. Et on a de la peine à trouver ces personnes, je ne vous le cache pas.

Comment se passaient les urgences auparavant?

Prenons un exemple: une personne qui avait un problème de trouble bipolaire et qui fait une crise maniaque car ayant arrêté ses médicaments. Elle s’agite et fait une crise clastique à la maison, est hallucinée. Ses proches appellent la police qui l’emmène soit au poste de police soit plus vraisemblablement à l’HFR. C’est 2h du matin. On appelle le psychiatre de garde qui décide de l’hospitaliser, contre son gré, puis on le transporte en ambulance à l’hôpital psychiatrique. Or ici, il y a une orientation immédiate. Le patient sera vu par une équipe multidisciplinaire et on discutera avec lui de l’intérêt ou pas d’une hospitalisation, de la possibilité de le recevoir de manière rapprochée en ambulatoire et d’intensifier le traitement médicamenteux par exemple, si c’est gérable pour ses proches de la garder à la maison. On a donc une prise en charge des patients très différente, plus rapide, plus accessible, plus facile.

Le centre intégré accueille également la psychiatrie forensique. Pourriez-vous nous en dire quelques mots?

La psychiatrie forensique est composée de deux entités. L’unité des expertises psychiatriques et l’unité des thérapies forensiques. Les expertises sont demandées pour les situations pénales très souvent, un peu pour la justice civile: Il faut se prononcer sur des questions de dangerosité, d’allégements de peine ou d’un traitement obligatoire. Nous faisons près de 150 expertises de ce type par année, qui nécessitent un grand professionnalisme. Quant à l’unité des thérapies forensiques, il y a deux volets. Un volet de thérapies qui se passent en prison. J’ai une équipe qui voit toutes les situations en milieu carcéral (Prison centrale et Bellechasse) avec des médecins et des infirmiers. A Bellechasse nous avons construit un tout nouveau dispositif, début 2022, qui est une clinique de jour à temps partiel pour les patients qui souffrent de pathologies lourdes et qui doivent avoir un traitement obligatoire. Notre équipe de psychiatrie forensique mène à une  activité intense. Elle est tous les jours à Bellechasse, deux fois par semaine à la prison centrale. Il y a une forte demande. Vraiment. L’autre pendant des thérapies forensiques, c’est les traitements obligatoires ambulatoire, pour les gens qui sont sortis du milieu carcéral mais qui sont toujours soumis à un traitement obligatoire. Nous sommes donc spécialisés dans le suivi de ces personnes.

Et le centre de recherche psychiatrique, en quoi consiste-t-il?

C’est également un autre challenge, né de la volonté du canton de mettre en place les trois dernières années de médecine à l’Université de Fribourg. Nous avions un Bachelor en médecine jusqu’en 2017, et il a fallu construire le master, qui sont les trois dernières années de médecine, où nous avons des volées de quarante étudiants. Ce sont de petites volées mais avec une imprégnation en médecine de famille. En quoi cela intéresse la psychiatrie? Parce que les médecins généralistes sont des médecins de premiers recours qui traitent près de 30% des patients qui ont des pathologies psychiques. Donc ces futurs médecins doivent être bien formés en psychiatrie. Nous avons ainsi construit le programme d’enseignement en psychiatrie avec l’immersion précoce des étudiants en médecine de quatrième année au sein de nos unités, six semaines. C’est un nouveau rôle du RFSM, plus académique. Pour certains de mes collègues l’enseignement relevait vraiment d’un nouveau défi. Parallèlement l’Université a engagé un professeur ordinaire en psychiatrie, Gregor Hasler. Et avec l’Université nous avons admis qu’il fallait vraiment travailler main dans la main. Moi-même je suis aussi professeur à l’Université de Fribourg. Mais mon rôle prédominant est dans l’enseignement et l’immersion clinique alors que celui du professeur Hasler est à l’Université.

Quels domaines recouvrent la recherche en psychiatrie?

Un vaste domaine! Elle recouvre un champ qui va des neurosciences (sur les neurotransmetteurs, sur ce qui se passe dans le cerveau, les dépressions sévères,…) aux programmes thérapeutiques qui utilisent de nouvelles molécules (la kétamine, le Botox,…). Ça c’est le fer de lance des nouveaux traitements en psychiatrie, avec son ancrage biologique et biopharmacologique. Mais nous avons aussi tout un pan de recherches qui concernent la qualité des soins: en psychiatrie, l’efficacité des traitements peut être attribué à 30% aux médicaments, et à 70% aux relations entre patients et soignants. Donc elle a intérêt à être de bonne qualité. Enfin à l’extrême nous avons des recherches qui sont plutôt dans le champ des sciences humaines. Sur les psychothérapies. Il faut donc que l’on ait une vision holistique de la recherche.

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Isabelle Gothuey
Médecin directrice du Secteur de psychiatrie adulte du RSFM, psychiatre-psychothérapeute, psychanalyste, Isabelle Gothuey est professeur titulaire à l’Université de Fribourg. Elle possède une formation approfondie en addictologie ainsi qu’en psychothérapie de groupe et familiale psychanalytique.

PROPOS RECUEILLIS PAR Kessava Packiry
PHOTOS Nicolas Repond

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